Des épines plein les bras
Rendez-vous au lac Titicaca. Situé à 3 800m d’altitude, c’est le lac le plus élevé au monde. A l’est de celui-ci se trouve la Isla del Sol. Sur place, nous découvrons une île séparée en 3 communautés : au sud les Yumanis, au nord les Challapampas et entre les deux les Challas. C’est avec ces derniers que nous rencontrons des problèmes. Souffrant d’un conflit avec la communauté nord qui aurait utilisé une terre sacrée pour le tourisme, les Challas bloquent la frontière entre le sud et le centre afin d’isoler la communauté Challapampa des voyageurs. Vengeance ! Cette situation dure depuis 3 ans et serait officiellement résolue par le gouvernement depuis l’été 2019. Officieusement, deux personnes âgées continuent de stopper les touristes en direction du nord. Décidés à passer, nous gravissons la montagne en avançant accroupis, cachés dans des buissons épineux, mais ce détour de 2h pour nous nous rendre en territoire interdit valait la peine !
Doux village en bord de lac
Arrivés dans la communauté Challapampa, les sourires s’offrent à nous. Les habitants curieux nous questionnent et nous conseillent sur l’attitude à adopter devant les Challas-bloqueurs : “faites semblant de ne pas comprendre l’espagnol…” Ici, tout le monde se connaît et s’entraide. La présence de deux touristes est ainsi vite remarquée. On fait ouvrir le seul restaurant encore en service spécialement pour nous et nous constatons avec étonnement l’apparence mi-excitée, mi-stressée de nos hôtes et restaurateurs. Il faut dire que le blocage a fait un tort considérable à cette communauté dont les commerces ont dû fermer un à un. Il règne cependant, une ambiance vraiment joyeuse. Tout le monde s’interpelle et discute dans la rue. Nous faisons de même. Sur la plage, les cochons, caïds des bacs à sable, courent à toute allure et narguent les autres animaux. “Vous n’avez pas de cochons dans votre pays ?” Nous questionne un pêcheur en voyant notre étonnement. Si, si…
Les cochons-chiens s’attaquent à Pod !
Diablotins en couleurs
C’est à Oruro, en Bolivie, que se trouve le deuxième plus gros carnaval d’Amérique du sud. Contrairement à celui de Rio où différentes écoles de samba s’affrontent, l’origine de celui-ci est religieuse et date de l’époque pré-colombienne. A l’arrivée des espagnols en 1606, les cérémonies ont continué sous forme cachée. Les locaux, forcés à s’acculturer, ont donné les traits de la vierge marie à la vénérée Pachamama (terre mère) et ceux du diable à l’oncle Supay. Les danses consistaient alors à représenter l’affrontement entre le bien et le mal. Au fur et à mesure des années, vinrent s’ajouter des représentations liées aux esclaves, aux autochtones ou au lama… Désormais, tous les pays sont invités à venir y célébrer leur culture.
En direct d’instagram
Installés dans les gradins, nous découvrons les costumes et danses dans un joyeux bordel typique de l’Amérique du Sud. Cela fait un an que les groupes se préparent pour participer à l’événement le plus important de la Bolivie et au moment de rentrer en scène un danseur fait un Skype avec un ami, un musicien boit un shot d’alcool, tatie Cathie surgit du public pour embrasser son filleul en pleine représentation, les vendeurs de friandises traversent le défilé en hurlant le nom de leurs produits… Et puis, la journée avançant, les spectateurs s’incrustent clairement au milieu de la scène. Les adultes interrompent les danseurs pour faire des selfies avec eux et les plus jeunes courent partout en s’aspergeant de bombes à neige. Pas de jugement cependant : la définition d’incivilités est ici bien différente de la nôtre et nous avions déjà pu remarquer, depuis le début de notre voyage, une plus forte tolérance des latino-américains face aux comportements de leurs paires à des moments où les français se seraient agacés.
Comment parler de la Bolivie et du Pérou sans citer “Pachamama”
Issue de la culture inca, la Pachamama (Terre-mère) est une divinité censée être à l’origine de tout…
Autrefois, on sacrifiait des vigognes pour la contenter. Moins barbare, on la vénère aujourd’hui en
jetant sa nourriture ou sa boisson au sol, comme ci-contre.
Champion et abandon
Un peu sur un coup de tête, nous décidons de gravir le Huayna Potosi, dont le sommet se situe à 6100m d’altitude. Nous faisons abstraction du faible pourcentage de réussite et des retours d’autres voyageurs indiquant que c’était l’exploit sportif le plus intense qu’ils avaient pu faire ou qu’en février l’ascension était particulièrement difficile en raison de la neige qui sévit dès 5000m et partons motivés. Le premier jour, armés de nos crampons et piolets, nous nous entraînons à l’alpinisme et grimpons quelques murs de glace. Encensée par notre guide sur mon planté de piolet et mes connaissances en escalade, puis rassurée par ma capacité de souffle lors de la randonnée du second jour, j’en avais oublié que mes souvenirs de montagne étaient souvent accompagnés de vomi. En effet, dès le lendemain, mal de crâne, nausées et étourdissements ont eu raison de moi. Paul, comme un champion, est arrivé le premier au sommet, devançant tous les autres alpinistes amateurs du jour. N’en déplaise à la Presse de la Manche, aucun drapeau normand ne fut planté dans la poudreuse !
Amour et coquillages
Arrivés au Pérou, nous nous rendons chez Juana, Victor et leurs 2 enfants, non pas seulement pour visiter le village de Llachon où ils résident mais aussi pour les rencontrer. Et quelle adorable rencontre ! Tout en simplicité et curiosité, nous passons deux jours entiers à échanger sur les mœurs et coutumes de nos pays respectifs, à jouer au football avec les enfants du coin, à prendre part à la fête communale, à cuisiner et jardiner avec eux, à nous balader à travers champs pour admirer la vue sur le lac. Nos hôtes sont à la fois humbles et heureux de nous faire partager leur quotidien. Nous discutons facilement avec Yrène, la grand-mère qui tisse sans relâche un drap de lit, avec Juana, qui, un tendre sourire aux lèvres, nous conte les coutumes Quechua et ses évolutions actuelles et futures notamment en matière de droit des femmes, avec Victor, passionné par ses futurs projets d’aménagements de maison, avec Manuel, leur enfant, mauvais perdant aux cartes, ainsi qu’avec Pacha, leur alpaga pas très causant. Accompagnés de Xavier et Estelle, un couple de voyageurs ayant souhaité revoir Juana et Victor avant de rentrer en France, nous n’avons clairement aucune envie de repartir d’ici…
Les îles Do It Yourself
Nous voilà désormais chez Félix sur les îles d’Uros. Étonnamment, nous ne voyons, sur cet endroit considéré comme très touristique, aucun sac Quechua ou pantalon zippable autour de nous. Il faut dire que nous restons cloîtrés durant 24h sur la petite île en roseau où vivent Félix et sa famille. Contrairement aux chiens et aux chats qui nagent aisément d’île en île, nous décidons de ne pas nous éloigner du bord et pataugeons dans le lac avec les enfants. Puis une fillette, nous invite à prendre part à une partie de Memory enflammée. Sans vouloir nous vanter, nous l’avons explosée ! Félix, toujours prêt à nous conter l’histoire de ses terres et de ses ancêtres, s’empresse de nous donner un maximum d’informations.
Il faut savoir tout d’abord que les 40 îles flottantes trouvent leur origine dans la fuite du peuple Uros lors de l’invasion Inca au XIIIe siècle. Les habitants des collines auraient souhaité s’échapper par la mer en construisant de petites embarcations à base de roseaux attachés les uns aux autres. Peu à peu, ils y construisirent leurs maisons et y vécurent heureux, ou du moins, tranquilles ! Véritable exemple d’adaptation de l’homme à son environnement, ici le roseau est utilisé à toutes les sauces : barques, flotteurs, sols, meubles, murs, toits, cordes et même nourriture. On s’alimente grâce à la pêche, à l’élevage de canards et aux plantes aquatiques. Idem pour se soigner. On utilisait notamment le sang de poule d’eau contre l’épilepsie. Félix prend plaisir à raconter l’histoire de sa maman qui aurait vécu toute sa vie sur son île, refusant de se mêler aux gens de la ville et acceptant des conditions de vie précaires. Cela a l’air de lui avoir réussi car elle aurait vécu jusqu’à 110 ans et aurait continué à enfanter jusqu’à l’âge de 53 ans. Le frère de cette dernière viendrait tout juste de fêter ses 115 ans. Les îles, ça conserve !
Nonnes bouches cousues
Arequipa est fort sympathique. La ville aux influences espagnoles arbore des colonnes, des cours intérieures et de jolies voûtes, toutes de blanc vêtues. Entourées par trois volcans, les constructions sont ainsi réalisées à base de sillar, pierre blanche volcanique. Au détour d’une rue se trouve le monastère de Santa Catalina. Véritable ville dans la ville, il est le couvent le plus grand du monde. Fondé en 1579 par une riche veuve, il accueillait 170 bonnes et 300 servantes. Chacune des religieuses possédait son appartement privé avec chambre spacieuse, cuisine et pièce pour la bonne. Un vrai luxe auquel elles n’étaient pas décidées à renoncer. Une mère supérieure souhaitant mettre fin à cette vie de débauche et de confort fut l’objet de 5 tentatives d’assassinat. Luxueux, peut-être, mais pas très fun comme endroit. Elles n’ont obtenu le droit de parole et de sortie qu’à partir de 1985. Nous prenons plaisir à déambuler dans les ruelles, cloîtres et placettes qui ont un charme fou avec leurs couleurs bleue, blanche et rouge.
Sociabilisation économique
Arequipa est aussi la ville des picanterias : restaurants traditionnels et bons marchés ayant pour objectif de réunir toutes les classes sociales à une même table. Ici on s’assoit où il y a de la place et jamais seuls. Nous discutons avec un couple de quinquagénaire péruvien qui finit par nous payer le repas et nous inviter à passer une semaine chez eux à Lima.
Ca use les mollets
Nous voici partis pour un trek de 3 jours au Canyon de Colca. Profond de 3400m, il a longtemps été considéré comme le canyon le plus haut du monde avant de se voir détrôner par son voisin, le Canyon de Cotahuasi. Peu importe, nous y descendons et traversons ses paysages époustouflants à base de terrasses agricoles, cactus, piscines naturelles, condors au dessus de nos têtes et minuscules villages. A savoir, les terrasses et systèmes d’irrigations conçus ici ne sont pas dus aux incas, un peu surcotés à mon goût, mais au génie des indiens collaguas, présents sur ces terres à partir des années 500.
Tiens, tiens ?
- Le lac Titicaca est emprunt de nombreuses légendes. Certains peuples le disent issus des larmes du dieu soleil. Les incas quant à eux le considèrent comme à l’origine du monde : le dieu fondateur Viracocha aurait surgit de ces eaux afin de créer le soleil, les étoiles et les hommes. On raconte aussi que les incas y auraient jeté une partie de leur trésor pour que les conquistadors espagnols ne puissent s’en emparer. Notre cher commandant Cousteau l’aurait cherché en vain.
- La Bolivie ayant perdu tout contact avec la mer suite à une bataille de territoire avec le Chili il y a 140 ans, le pays a dû, à l’époque, regrouper l’ensemble de sa flotte maritime sur le lac Titicaca. Un beau bordel.
- Les péruviens ont chacun leur version de l’origine du ceviche. Voici celle de Juana. Pendant la colonisation, les esclaves n’ayant rien pour cuire le poisson qu’ils pêchaient auraient utilisé l’oignon comme outil de “cuisson” et de conservation. La patate douce, employée alors uniquement pour nourrir les animaux, serait ensuite venue agrémenter ce plat inventé avec les moyens du bord.
- Les îles d’Uros abritent chacune 4 à 5 familles et ont une durée de vie de 50 à 60 ans. Passé ce temps, on abandonne l’endroit pour en construire un autre. Certains îlots ne sont pas habités car ils détiennent une autre fonction : école, cimetière, etc.