LET'S GO!

Direction l'amérique latine

Parce qu’il me reste des photos et des choses à dire, voici un dernier article pour la route, du Pérou à la France.

Au coeur de l’absurde

Dernière étape : Cusco ! Originellement nommée Qusqu par les incas, son appellation signifie “nombril”, symbole de la place que la ville occupait pour cet empire. Ici se superposent et se rencontrent différents patrimoines issus de nombreuses époques, cultures et religions. Loin d’être morne, nous voici dans le Disneyland de l’histoire péruvienne. On y trouve les représentations religieuses kitsch et morbides des pays latinos. Dans les rues et dans les églises, Jésus est représenté toujours plus avachi, cadavérique, le sang dégoulinant sur son corps et sa tête. Ne manque plus qu’une une fontaine rouge jaillissant de ses yeux pour parfaire ce décor sadique. Au côté de ce classique hispanique, les incas ont ajouté leur touche de gaité et de diversité. On trouve dans les monuments religieux des statues de saintes en jupe roses fluo, des représentations de prêtres noirs, des peintures bleues et rouges pétantes. Trône dans la cathédrale un tableau du dernier repas de Jésus avec ses douze apôtres. Le plat principal : du cochon d’Inde grillé ! Un met de fête pour les locaux. Sur une autre peinture, la vierge Marie est représentée les joues gonflées. On nous explique qu’elle serait en train de mâcher de la coca. Les espagnols ont dû faire quelques concessions pour réussir à christianiser le peuple Inca mais ces appropriations incongrues et colorées dépoussièrent la religion et rendent nos visites assez amusantes.
NB : Les photos étant proscrites dans les monuments religieux, tous mes propos ne seront pas illustrés ci-dessous.

La beuverie dépasse les frontières

Que l’art soit issu de l’empire inca ou des 15 civilisations qui ont l’ont précédé entre 900 av. JC et 1440, les sculptures et peintures semblent étonnement très contemporaines. A l’image des tableaux de Jérôme Bosch, les couleurs sont vives, les formes géométriques et arrondies, les représentations sexuelles explicites… C’est assez fou. Certains objets mochicas, vieux de 2000 ans semblent tout droit sortis de la dernière collection de statuette Ikea, section décor de chambre d’enfant. Visez un peu le cerf à la langue pendue plus bas. Les mochicas sont aussi connus pour leurs sculptures érotiques, tel un kamasutra de l’époque. Des reproductions de ses représentations peu conventionnelles pour notre société trop normée abondent dans les magasins de souvenirs… (A voir ici)

De tous temps, on constate que le franchissement des différents mondes que sont la terre, le ciel ou la mer obsédait les ethnies. Les animaux parvenant à passer d’un côté à l’autre étaient au centre de leur art. Ce sont le cas des cormorans, foulant la terre, traversant les nuages et s’acoquinant avec la mer, du serpent, qui rampant au sol illustre une frontière parfaite entre la terre et le ciel, des félins… Pour l’homme, une seule solution permet de franchir les mondes, et de cette manière d’asseoir son pouvoir, se saouler la tronche ! De nombreuses poteries-cruches, exposées dans les musées, servent à la fabrication et à la conservation de breuvages magiques et spirituels. 

La couleur des roches

Nous voilà partis pour “l’ascension” du Vinicunca, appelée aussi “montagne aux 7 couleurs”. Peut-être est-ce l’habitude des forts dénivelés ou plutôt de l’altitude, mais cette randonnée qui relève de l’épreuve physique intense pour certains s’avère être une promenade de santé pour nous. La montagne culmine à 5000m et à cette hauteur, le souffle se fait court. Nous nous souvenons de nos premières épreuves en altitude il y a plusieurs semaines. Nous faisions clairement moins les malins ! Ici le folklore touristique est bien présent : troupeaux de lamas, chevaux, habitants en habits traditionnels… La merveille géologique se trouve à 2h de marche et 1000m de dénivelé du point de départ. On y découvre une montagne constituée de différentes couches de sédiments formées en plusieurs milliers d’années. Le souffre est jaune, l’oxyde de fer est rouge, le sulfate de cuivre est vert… Derrière ou devant nous, à notre droite ou à notre gauche, les paysages varient du tout au tout. Devant, l’extraordinaire montagne, à gauche, les pics enneigés des Alpes, derrières, les collines rocheuses d’Ecosse et à droite, les pâturages du Cotentin. On s’éloigne des touristes direction l’Ecosse et on profite de l’instant. 

Chapeaux d’été

Allons visiter la vallée inca en commençant par Chinchero, un charmant petit village fait de maisons en adobe. Il est étonnant de voir à quel point les habits traditionnels diffèrent à seulement quelques kilomètres d’écart. Ici, les femmes portent des sortes de hauts chapeaux de cow-boys. Les jupes colorées sont toujours là. Pratiquement tout se joue sur le couvre-chef. A la paz, les femmes revêtent des chapeaux melons en feutre, à la Isla del Sol, elles avaient toutes adoptées le style 90’s du bob en jean, à Llachon, elles portaient un étrange chapeau à pompons carré recourbé sur les pointes, à Uros, une sorte de bonnet de lutin en laine, à Huyana Potosi, les chapeaux de paille étaient de sorties, à Colca de grands bobs blancs brodés de fleurs, à Vinicuna, des galettes noires avec des franges colorées pendouillant sur les côtés…. Ce sont des accessoires marqués, parfois très extravagants et signes d’appartenance à une communauté. Or, des communautés, il y en a beaucoup. Nous en dénombrons une 15aine rien que dans le petit village de Chinchero. Le bonnet péruvien quant à lui, on le voit peu. Il est assigné aux hommes qui, voulant prouver leur entrée dans le monde moderne, ne s’astreignent que très peu du port d’habits traditionnels. On peut cependant le trouver aux abords du lac Titicaca, notamment sur les îles d’Uros. (quelques exemples de chapeaux ici)

Bref, nous profitons d’être à Chinchero pour visiter son joli bourg et les ruines d’une ancienne “station balnéaire” destinée à l’élite Inca. On y trouve des aqueducs et des terrasses encore utilisés aujourd’hui pour la culture de pommes de terre.

Fin du voyage

Réveil difficile. Notre hôte vient de frapper à notre porte pour nous exclure de chez lui. Le premier jour de confinement vient d’être annoncé. Nous avons une journée pour nous rendre dans un hébergement qui accepte d’accueillir des touristes durant les 15 jours annoncés. Pablo et Kathereen, des personnes chez qui nous avions déjà dormi, n’y voient pas d’inconvénient. Retour, direction Cusco ! Nous y logeons avec un autre couple de vacanciers américains. Les journées s’enchaînent et se ressemblent : discussion sur les séjours de nos collocs en Europe, CNN en boucle à la télé, abdos-fessiers, courte promenade et achat alimentaire dans le quartier. Les flics et les habitants, étant suspicieux à l’égard des européens ayant propagé le virus sur leur territoire, nous ne faisons pas les malins. Contrairement à la France, toute promenade est interdite et les arrestations sont nombreuses. Des français se sont retrouvés dans le journal et au poste de police pour avoir acheté des bières, l’alcool étant défendu durant le confinement. Les courtes sorties dans cette jolie ville vide sont de moins en moins relaxantes. Les murs et les voitures deviennent à mes yeux de potentielles cachettes en cas de contrôle de police, les péruviens, de possibles “délateurs” capables de nous suivre pour nous filmer et nous photographier, nous les touristes pestiférés. A la manière de certains français face aux chinois en ce début d’année, les latinos américains d’ordinaire très accueillants commencent à exprimer un racisme pesant. Le confinement est renouvelé. Nous partons. A l’aéroport, chacun son style : masque en papier, en tissus, à fleurs, masque à gaz ou en coton bio… Certains ont opté pour le total look anonyme masque, bonnet, foulard et lunettes de soleil. Ne manque plus que la voix modifiée pour aller témoigner sur les méthodes secrètes du coronavirus. On rêvait de la Colombie, le coup de cœur de nombreux voyageurs. Nous y retournerons dès que nous le pourrons.

Tiens, tiens ?

  • Nous avons souvent été surpris par la “qualité” musicale des musiciens et chanteurs de rue, qui, de notre point de vue, semblent s’égosiller sur d’horribles fausses notes assumées. Tel “Why must I cry”, je repense aux mauvais buzz d’apprentis-chanteurs qui ont fait le tour du web sous les moqueries d’adolescents. Ici, ca ne choque aucun passant. Nous ne sommes visiblement pas formatés pour apprécier les mêmes sonorités. Je n’ai pas filmé les “artistes” afin d’éviter de les tourner en dérision. Sachez seulement que cette musique sortie en CD ou que ce musicien font pour nous partie du haut du panier. Subjectivement votre.
  • Les espagnols ont pris un malin plaisir à détruire les palais incas pour construire leurs propres monuments par dessus, à base d’immenses pierres lisses et grisâtres caractéristiques de l’architecture Inca. La ville de Cusco, ils n’ont pas eu grand mal à la conquérir en 1535. La guerre fratricide pour l’obtention du pouvoir avait déjà bien affaibli cette cité. Plus près de la mer, les nouveaux rois hispaniques désignèrent Lima comme la capitale du Pérou.
  • Le drapeau arc-en-ciel qui vole au vent un peu partout dans Cusco n’est pas une revendication gay-friendly mais le symbole de la paix, de la diversité et surtout du lien de la civilisation inca à la nature. Il a beaucoup était utilisé pour exprimer la lutte face à l’opposant espagnol.